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*** Seul le prononcé fait foi ***

Monsieur le Premier Vice-Président de la Commission Européenne, Mesdames et Messieurs les membres et observateurs de la Conférence Internationale, Chers collègues,

En tant que Présidente de la Conférence internationale des commissaires à la protection des données et à la vie privée, je veux vous accueillir ce matin dans ce magnifique palais d’Egmont pour l’ouverture de notre session fermée ; je veux aussi, en votre nom à tous, remercier notre hôte, l’EDPS, qui est le grand orchestrateur de notre semaine ainsi que notre collègue de la Bulgarie.

La participation cette année est à la hauteur des enjeux qui sont devant nous. Plus de 70 délégations sont aujourd’hui autour de la table, et nous sommes ravis de pouvoir également compter sur la participation d’une dizaine de membres observateurs. Dans un instant je l’espère, notre communauté va s’agrandir avec l’accréditation de quatre nouvelles autorités membres et de onze nouvelles organisations en tant qu’observateurs de la Conférence. Je vous remercie à tous d’être ici, car je sais aussi que pour plusieurs d’entre vous cela veut dire parcourir des milliers de kilomètres, mais aussi un réel investissement en termes de temps et de moyens pour votre autorité.

Une semaine dense et riche en échanges nous attend. L’ouverture de la session fermée marque le début de notre réunion annuelle. Elle se poursuivra par une session ouverte qui promet d’être un véritable point d’orgue au niveau international en matière de protection des données et de la vie privée. Le programme et les intervenants annoncés ne peuvent que le confirmer. Cette semaine, Bruxelles ne sera donc pas le centre d’attention des seuls européens, mais de l’ensemble de la communauté internationale sur nos sujets.

Nous nous réunissons cette année dans un contexte assez particulier, face à des enjeux émergents ou persistants qui font que les regards se tournent de plus en plus vers nous, autorités de protection des données et de la vie privée. Nous le sentons tous, notre monde bouge et notre parole est attendue.

Nous avons notamment à répondre à une demande et une inquiétude croissante concernant la sécurisation des données personnelles; la récente violation de données chez Facebook est à ce titre un sérieux rappel de cette exigence que nous partageons tous. Cette année a également été marquée par l’application effective du RGPD en Europe, mais dont l’impact va bien au-delà des frontières de l’Union. Et nous avons aussi pu constater au cours de l’année écoulée, depuis le scandale Cambridge Analytica jusqu’aux récentes initiatives dans plusieurs pays pour contrer les fake news et garantir l’intégrité des élections à venir, que les données personnelles étaient sorties du seul champ de la protection pour devenir un véritable enjeu de pouvoir, d’influence, voire de manipulation, au cœur même de nos systèmes démocratiques. Enfin, le déploiement de l’IA dans de nombreux pays pousse à l’extrême des questionnements sur l’autonomie des personnes ou sur la souveraineté nationale, enjeux que nous connaissons mais qui  prennent une importance stratégique nouvelle, au plan national et international.

Bref, nos sujets ont pris une dimension nouvelle et ils s’étendent à de nouvelles problématiques, plus politiques, plus éthiques. Ils se manifestent dans un environnement international qui, s’il n’a jamais été paisible, est aujourd’hui particulièrement contrasté. D’un coté, les tensions sont là, et ce y compris sur des questions qui sont au cœur de notre mission comme la localisation des données, la cyber-sécurité ou encore la surveillance de masse et les techniques de renseignement. Il est évident que différentes visions s’affrontent lorsque nous parlons de protection des données et de la vie privée. A titre d’exemple, la Chine, les Etats-Unis et l’Europe n’ont probablement pas le même objectif en la matière. De l’autre, le numérique est une opportunité de développement unique au niveau mondial, une véritable révolution. « Tech for good» ou « AI for humanity » sont désormais à l’agenda des réunions de nos chefs d’état et de gouvernement et le potentiel de ces technologies pour trouver des solutions pour l’humanité est immense.

En outre, face à cette tectonique des relations internationales, qui est avant tout le fait des états, d’autres acteurs se font entendre. Sur les questions de numérique et de libertés civiles en particulier, une société civile mondiale s’est constituée et devient un véritable relais dans les opinions, voire même une force de pression. Il n’est plus possible aujourd’hui de l’oublier ; et cette société civile bien souvent se tourne vers nous, autorités indépendantes. Dans cet environnement tourmenté, nous avons donc peut-être ici de nouveaux alliés qu’il nous faut écouter et comprendre.

Nous sommes donc face à un environnement de plus en plus complexe, nos sujets sont en haut de l’agenda politique et économique partout dans le monde. Quelles réponses allons-nous apporter à cette situation et à ces nouveaux défis ? Comment allons-nous les porter au-delà de la communauté des autorités et mettre à profit notre expertise?

Dans un tel contexte, le sujet central qui sera le nôtre ces deux premiers jours sera celui de notre propre projet collectif. Au quoi sert notre Conférence, finalement ? Comment définir un projet commun et l’asseoir sur une organisation robuste pour être en mesure de répondre aux enjeux mentionnés plus haut.  Pour cela, rien ne nous empêche d’inventer et de créer! Nous ne sommes pas une organisation comme les autres, nous pouvons donc cultiver notre différence.

A ce titre, je veux souligner que ce qui fait le caractère unique de la Conférence Internationale c’est notre présence ici, tous réunis. La Conférence Internationale bénéficie d’une solide réputation, d’un certain pouvoir « d’attraction », qui permet d’organiser l’un des moments phare de l’année au niveau international en matière de protection des données et de la vie privée. Mais c’est le rassemblement des autorités de protection des données et de la vie privée, essence de notre organisation, qui crée cet élan et qui fonde la légitimité de la Conférence Internationale. Nous pouvons le dire, sans notre présence à tous aujourd’hui, ce ne serait qu’une conférence de plus sur les nouvelles technologies et la vie privée – et elles sont légion.

Nous allons donc débattre entre nous de l’avenir de la Conférence mondiale, non pas dans un exercice autocentré, mais bien dans une perspective d’ouverture et d’intégration de notre organisation aux grands débats internationaux en matière de développement numérique, de protection de la vie privée et de préservation de l’intégrité de nos sociétés démocratiques. Nous nous positionnerons aussi sur plusieurs thèmes majeurs, choisis par les membres, notamment celui de l’éthique et de la protection des données dans le développement de l’intelligence artificielle et celui de des plateformes d’apprentissage en ligne.

Voilà notre ambition, ou à tout le moins notre direction pour cette journée et demi que nous allons passer ensemble. Nous devons aboutir, prendre des décisions au terme de ceux-ci. Choisir si nous voulons rester à l’identique, ou évoluer vers une organisation plus permanente, mettre en place une véritable gouvernance mondiale de la donnée fondée sur de nouveaux modes de fonctionnement et d’organisation. Certains peuvent penser qu’il est trop tôt pour une telle orientation. Mais puisque nous sommes aujourd’hui à Bruxelles, accueilli par l’autorité de supervision des institutions de l’Union Européenne, permettez-moi de citer Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de l’UE : « Il n’y a pas d’idées prématurées, il y a des moments opportuns qu’il faut savoir attendre ». Peut-être que le contexte particulier dans lequel nous nous réunissons est un moment opportun pour nous transformer et continuer à avancer ? C’est en tout cas ce qu’attendent nombre de parties prenantes que nous allons rencontrer cette semaine.

Et puis, je vous l’ai dit, ne nous interdisons pas d’être inventifs ! Nous sommes encore loin d’une régulation internationale en matière de protection des données personnelles. Nous sommes le reflet de la diversité des cultures juridiques et politiques qui existent au niveau international. Faisons de cette diversité notre force, et inspirons nous des approches contemporaines qui font les technologies de l’information aujourd’hui: les réseaux et l’interconnexion. Notre avenir passe peut-être par notre transformation en réseau de réseaux.

Voilà Mr le Premier Vice-Président, chers collègues, les mots d’introduction que je souhaitais prononcer pour ouvrir notre session fermée.  Vous constatez que notre feuille de route pour cette session est bien remplie. Je souhaite que nous puissions mener celle-ci de façon confiante entre nous, en gardant à l’esprit que nous sommes attendus et que nous avons une parole à porter au-delà de notre communauté.

Je vous souhaite à tous une très bonne Conférence.